LES DÉBUTS DE L’IMPRESSIONNISMEHenri Bouchet-Doumenq, Le groupe des futurs impressionnistes se forma au début des années 1860. Claude Monet, Frédéric Bazille, Alfred Sisley et Auguste Renoir, tous étaient venus étudier la peinture à l’atelier indépendant du professeur Charles Gleyre. Ils étudiaient le nu avec application et passaient avec succès tous les concours obligatoires, recevant des prix pour le dessin, la perspective, l’anatomie, la copie. Néanmoins, ils quittèrent leur professeur dès 1863. Le bruit courut que l’atelier fermait à cause du manque d’argent et de la maladie de Gleyre. En revenant de chez Gleyre, Bazille, Monet, Sisley et Renoir s'arrêtaient à la Closerie des Lilas, un café à l’angle du boulevard Montparnasse et de l’avenue de l’Observatoire où ils discutaient longuement des orientations futures de la peinture. Bazille y amena son nouveau camarade, Camille Pissarro, qui avait quelques années de plus qu’eux. Les membres de ce groupe se donnèrent le nom d’ « intransigeants ». Ensemble, ils rêvaient à une nouvelle période de renaissance. C’est Sisley le premier, semble-t-il, qui entraîna ses amis dans la forêt de Fontainebleau pour peindre des paysages. À présent, au lieu d’un modèle nu savamment placé sur un podium, ils avaient devant eux la nature, la diversité infinie du feuillage frémissant des arbres, qui changeait constamment de couleur au soleil ! Après plusieurs années de travail et de réflexion, il était temps pour les futurs impressionnistes de faire connaître cette nouvelle conception qu’ils avaient de la peinture et qui les séparait de l’art officiel. Jusque-là, en France, il n’y avait qu’une seule exposition d’art contemporain : le Salon. Les fondements de ce dernier étaient extraordinairement solides : il n’avait presque pas changé de caractère durant tout le temps de son existence. Les genres traditionnels régnaient sur cette exposition. La principale exigence du jury était un professionnalisme de très haut niveau aussi bien dans le domaine de la composition, du dessin, de l’anatomie ou de la perspective linéaire qu’en technique picturale. Une surface peinte irréprochablement lisse, réalisée à l’aide de touches minuscules, presque indiscernables à l’œil, donnait au tableau ce fini sans lequel il ne pouvait pas concourir avec les autres. Chacun des futurs impressionnistes tentait, avec un résultat variable, d’exposer au Salon. En 1864, la chance sourit à Pissarro et Renoir, bien que le tableau de Renoir accepté au Salon, Esmeralda, ne fût pas considéré comme une réussite par l’artiste qui le détruisit aussitôt après la fermeture du Salon. En 1865, furent acceptés les tableaux de Pissarro, Renoir et Monet. En 1866, tous – Monet, Bazille, Renoir, Sisley et Pissarro – virent leurs tableaux acceptés. Pissarro fut particulièrement remarqué, dans un compte rendu du Salon, par le jeune auteur Émile Zola. Le jury de 1867 se montra sévère avec les jeunes peintres : Bazille fut refusé et, parmi les nombreux tableaux présentés par Monet, un seul fut pris. Zola, qui dans ses comptes rendus s’orientait sur les jeunes, comme s’il n’avait pas remarqué les peintres de l’école classique, écrivit à un ami que le jury, irrité par son « Salon », avait fermé ses portes à tous ceux qui cherchaient de nouvelles voies. En revanche, au Salon de 1868, se retrouvèrent des tableaux des cinq artistes – Monet, Renoir, Bazille, Sisley et Pissarro. Néanmoins, tous voulaient, de plus en plus, exposer en dehors du Salon. En avril 1867, Frédéric Bazille écrivait à ses parents : « Nous avons résolu de louer chaque année un grand atelier où nous exposerons nos œuvres en aussi grand nombre que nous le voudrons. Nous inviterons les peintres qui nous plaisent à envoyer des tableaux. Courbet, Corot, Diaz, Daubigny et beaucoup d’autres […] nous ont promis de nous envoyer des tableaux et approuvent beaucoup notre idée. Avec ces gens-là, et Monet qui est plus fort qu’eux tous, nous sommes sûrs de réussir. Vous verrez qu’on parlera de nous. » |
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